mercredi 13 janvier 2010

I will fear no evil.

Jeudi 24 septembre 2009. Elle court. Court. Et court encore, à en perdre haleine. Les gouttes ruissèlent sur sa peau découverte, et ses tongues claquent contre la route pavée. Il l'attend sur la route du bonheur, et elle retrouvera la chaleur de ses bras, la puissance de ses mots, le silence de ses regards.

J'avais l'habitude de regarder dans tes yeux verts. Toujours furtivement, discrètement. J'y voyais cette rivière qui traversait mille contrées, et son clapotis raisonnait dans ma tête. J'y voyais ton goût pour la vie, ton art du spectacle. J'y voyais cette lueur particulière qui te faisait briller d'une joie sans égale.

Finalement, tu m'as abandonnée sur la route du bonheur. Comme elle est loin, l'époque de Trocadéro. J'aimerais pouvoir replonger en plein dedans, mais comme c'est impossible, je vis des souvenirs que j'ai — tes yeux verts sombres, nos baisers volés, ta main sur mes hanches. Orly, je ne t'en veux pas. Nous sommes partis sans aucun regrets ; et si tout était à refaire, je ne changerais rien.

Mais Orly, quand même. Quelque part au fond de moi, je sais que je t'aime toujours, et j'ai beaucoup de mal à retomber amoureuse.

mardi 12 janvier 2010

Mailles inextricables

Il semble que dans la vie, il faille toujours peser la peine et le plaisir. S'il y a assez de plaisir on reste avec quelqu'un, mais s'il n'y en a pas assez on s'en va. Et que reste-t-il de nos amours, quand l'amour n'est plus ?

Il avait ce besoin ardent de se dévouer à moi, entièrement, sans espoir de récompense. Il m'a dit un jour que l'amour était un beau sentiment, et qu'il ne pouvait pas m'en vouloir si je partais ailleurs parce que j'aimais. Oh que les sentiments des femmes sont changeants, m'a-t-il dit. Mais comment peuvent-ils changer, si l'on a jamais ressenti ?

Il reste de nos amours ce que tu m'as appris ; les traces écrites, les regards voluptueux. La jouissance indescriptible qui nous est propre. Nos habitudes qu'on ne partagera avec personne d'autre. Il reste de nos amours ce que l'on en a construit. Unique, irréversible, constant.

Il reste de nos amours les mailles inextricables de nos sentiments passés que l'on ne peut plus changer.


Il me reste de nos amours le bonheur reçu dans mes mains, ancré dans mon âme.

lundi 11 janvier 2010

Une correspondance sur la ligne 9.


Trocadéro, c'est du passé. Toi et moi, c'est plus rien qu'un souvenir.

Janvier. Le train défile, et la vue de ces chaises vertes, et vides, déclenche en moi un truc. Je nous imagine assis là comme des cons, le regard vide. Mais quelque chose a changé. C'est comme un signe - ces signes que tu détestais. Une chaise orange, là, en plein milieu. Comme un point de repère. J'ai l'impression que Trocadéro nous envoie un message, comme pour nous dire que toutes ces gens ont beau passer, et s'en foutre, on a pas le droit de l'oublier, elle et ses chaises vertes.

Nos souvenirs s'envolent, petits à petits, mais les lieux restent là. Nos sentiments sont gravés dans les murs, nos mots sont portés par le courant d'air. Ces chaises ont chacune été témoin de nos gestes. Il y a maintenant un intrus parmi elle, qui attend à son tour qu'on l'imprègne de nos sens, pour devenir partie intégrale de nos souvenirs. Un rappel.

Parce qu'il reste toujours que toi, et moi. Malgré tout - la distance, le temps - ce sera toujours que toi, et moi, et les chaises vertes de Trocadéro, qui nous crient à la gueule que tout ça voudra toujours dire quelque chose.

dimanche 10 janvier 2010

Crépuscule


Il s'appelle Aurélien. Il s'appelle Aurélien, mon chéri, et pas toi. Voilà toute la différence. J'ai lutté, tu sais. J'ai essayé d'oublier, mais il est comme un fantôme qui me hante et qui ne veut pas partir. Je l'entends murmurer doucement dans mon oreille, qui m'appelle inlassablement. Aurore, Aurore... viens ! Oh si tu savais comment ses plaintes me sont insupportables.


Aurélien, attends-moi, je viens. Où es-tu ? J'ai retrouvé l'arbre de notre enfance, son tronc gelé par le froid d'hiver. Le champ de blé n'est plus qu'un immense hectare de terre enneigée. Il y a toujours ce lac givré sur lequel tu me faisais danser. Mais il manque ta présence. Sans toi cet endroit n'est plus rien, et Aurore se meurt à petit feu.

Je suis tellement désolée mon chéri. Je ne pouvais pas faire autre chose que partir, comprends-moi. Je suis assise devant mon passé, et j'ai froid, tellement froid. Je n'arrive pas à le quitter. Aurélien n'est pas là pour enrouler son écharpe autour de mon cou et je laisse le vent me glacer jusqu'au plus profond de moi. C'est si facile de rester ici, à espérer qu'il me revienne. Mon chéri, je t'ai aimé, crois-moi.

J'attends l'aube. Tu te souviens, Aurélien, de nos nuits d'été à attendre l'aube ? Mais maintenant c'est l'hiver, tout est différent. Il faut passer la nuit, et si je m'endors ici je ne me réveillerai jamais. Le froid m'a engourdie, il ralentit mes pensées. Oui, dormir... Rêver de toi, même si tu n'es qu'illusion. Mais il ne faut pas, car j'attends l'aube. J'attends l'aube... Aurélien, j'ai froid... J'ai sommeil... Viens me sauver.

Aurore... Tu lui as insufflé la vie, Aurélien. Et tu la lui as enlevée. Peut-être pensais-tu en avoir le droit, mais non, car Aurore ne t'appartenait pas. Tu te l'es appropriée, et tu l'as abandonnée. Elle n'a jamais eu qu'un passé. Ni présent ni futur, et c'est ta faute, Aurélien. Sa vie tournait autour de toi ; même ses dernières pensées t'ont été destinées. Je te hais pour ça. Elle a maintenant trouvé votre Lumière. Viens l'y rejoindre dès que tu pourras, car je sais qu'elle t'attend toujours. Mais en attendant, vis avec ta culpabilité Aurélien.